Gaël Faye et l’expérience métisse du Louvre

CréationInvitation

Le 21 mai 2025

Chaque printemps, le Louvre s’ouvre aux musiques actuelles, offrant à différents artistes l’occasion de l’explorer et de le réinventer. Cette année, Gaël Faye, écrivain, poète et musicien, répond à cette invitation avec une carte blanche célébrant les promesses du métissage.

Le 25 mars, pour inaugurer sa carte blanche, Gaël Faye a organisé une « randonnée nocturne » invitant son public à déambuler auprès de lui dans les collections du Louvre. Dans son dernier ouvrage Jacaranda, dont il a lu des extraits lors de sa masterclass à l’auditorium Michel Laclotte, l’auteur explore les séquelles du génocide des Tutsi au Rwanda à travers une fresque familiale déployée sur quatre générations. À l’auditorium, il a confié combien la marche importe dans son processus d’écriture. Parcours temporel, cette randonnée muséale fait aussi écho aux voyages entrepris par ses personnages. Au Louvre et en mouvement, ses spectateurs ont découvert des œuvres hybrides au cœur de collections transformées, par l’obscurité et la scénographie, en théâtre éphémère unissant artistes et cultures musicales dissemblables.

La première étape a eu lieu dans la Cour Puget, qui déploie un panorama de la sculpture française du XVIIe au XIXe siècle, retraçant son évolution à travers des époques marquées par l’expansion coloniale et des conflits guerriers dont certaines œuvres, comme Les Captifs, portent encore les signes. Gaël Kamilindi, pensionnaire de la Comédie-Française, a ouvert la soirée avec une lecture réaffirmant combien le français est une langue vivante, c’est-à-dire porteuse d’une mémoire, d’échanges et sujette au changement. Sous l’œil vigilant des taureaux androcéphales ailés de la Cour Khorsabad, figures hybrides et génies protecteurs de l’ancienne Mésopotamie, l’interprète Lubiana chantait et jouait de la kora, une harpe-luth populaire en Afrique de l’Ouest. L’artiste franco-vietnamienne George Ka, qui a par ailleurs confié son attrait pour « la poésie de l’anodin » d’un Chardin, a ensuite chanté dans les fossés du Louvre médiéval. La soirée s’est achevée sous la pyramide du Louvre, réunissant, pour la première fois, les danseurs Intore du Rwanda et les tambours royaux du Burundi, reconnus au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Une masterclass pour désapprendre 

Lors de son échange à l’auditorium avec Maxime Froissant, Gaël Faye a abordé un thème récurrent de son œuvre : l’enfance. Selon lui, elle représente une façon de se « débarrasser de tous les préjugés. Elle est liée à l’époque de la sensation, du regard vierge où le monde nous parvient par les sens physiques plus que par la pensée ». S’il se rappelle avoir visité le Louvre dans sa jeunesse, l’auteur confie l’avoir réellement découvert à travers les yeux de ses filles. En quête d’animaux représentés dans les peintures, sculptures et objets, elles ont tracé pour lui un parcours subjectif, réinventant le musée à leur manière.
Gaël Faye a aussi distingué le métissage de « l’expérience métisse ». Il souligne que cette dernière n’est pas seulement une question de mélange, mais aussi « la rencontre dans la violence, le choc des cultures, le poids d’une longue histoire marquée par l’esclavage et la colonisation. C’est l’expérience d’appartenir simultanément à deux mondes, dans des sociétés qui acceptent difficilement la pluralité des identités, avec des racines à la fois proches et lointaines ».

De la randonnée à l’expérience métisse, il est toujours question de voyage, qu’il soit mobile ou immobile. Ce n’est donc pas un hasard si le troisième temps de cette carte blanche, le 20 mai, sera consacrée à deux concerts devant Le Radeau de la Méduse. Le résident du Louvre l’a décrit comme un véritable choc. « Ce tableau raconte aussi l’humanité dans le désespoir, cette humanité qui se noie, celle qui attend notre aide et perçoit au loin un espoir ».
Remerciant chaleureusement le Louvre pour son invitation, Gaël Faye se dit heureux « d’apporter de la musique à l’ombre de ce tableau ». Devant ce désastre mêlé d’espoir peint par Géricault, et en écho au jacaranda (titre de son livre et arbre dont l’épais feuillage protège du soleil), le public pourra éprouver la violence et l’apaisement des différentes ombres du Radeau de la Méduse.

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